jeudi 23 juillet 2015

Seule sur la route

Qui a l'habitude de voyager sait qu'il arrive toujours un moment où il faut partir - Paolo Coelho


Kymia : La dernière fois, je dînais à Lausanne, en compagnie de nouvelles connaissances, et comme toujours le sujet a vite dérivé sur les voyages ( ce qui arrive souvent quand je fais partie de la conversation ...) et très vite les deux jeunes hommes en face de moi m'ont demandé où j'avais voyagé.

J'ai toujours eu l'impression d'avoir beaucoup voyagé mais plus je me penche sur la carte du monde et plus je me rends compte que mon score est assez ridicule.

Après ça, le jeune homme en face de moi m'a demandée si cela me tenterait et si je me sentirais capable un jour de partir voyager seule.


J'ai doucement rigolé devant cette question, car depuis ces 5 dernières années j'ai pris l'habitude voyager seule. Pour des raisons diverses et variées. Voici un post sur le pourquoi je voyage seule, comment et pourquoi c'est une bonne idée pour ceux qui oseraient se lancer.

1. Voyager seule ne signifie pas voyager seule

Je vous assure, ce premier point à tout son sens!
Ma première expérience seule à l'étranger était en juillet 2010 où je me suis envolée pour la Finlande, avec l'intention de participer à un festival de jonglage ( oui une époque révolue de ma vie mais à laquelle je suis encore nostalgie...*soupir* ). A l'époque je vivais à Londres, j'étais donc la seule de mes autres amis jongleurs à partir de ce côté de la Manche, les autres étant plutôt fidèles aux aéroports de Paris.

Le sort a fait qu'à cette période, une grève des aiguilleurs a empêché tout ce beau monde de partir pour ce merveilleux pays, et les a gardé figés et déçus sur le territoire français.
D'abord hésitante, j'ai fini par aller seule à Helsinki en me disant que je rencontrerai bien des têtes familières sur place.

Premier pas vers le voyage seule, je me retrouve à Helsinki en juillet 2010, où le soleil ne se couche jamais vraiment, où la nuit semble noire vers 1h du matin et qu'il se relève vers 4h.
Je suis donc arrivée dans une auberge de nuit hors de prix ( comme le reste du pays ), où j'ai squatté un dortoir pendant les 2 jours qui me séparaient du début du festival.

Et là..

La simplicité même. Dès que je me suis assise dans le lobby pour lire, un jeune Irlandais est venu me parler et m'a posé les quelques questions qui deviendront par la suite mon quotidien dans les différents voyages que j'ai fait et que je qualifie de "cheap talk"

"What's your name? Where are you going? Where have you been before? When did you start your trip?"

Aussi simple que ça. Après ça j'ai rencontré une Israëlienne, une Russe, puis une fois à la convention, des Anglais, des Allemands, des Espagnols etc.

Le reste de mon expérience de voyage en solitaire, m'a vite fait comprendre que les gens qui voyagent seule sont très nombreux, très particulièrement les hommes, aussi être une fille seule rend l'approche et la rencontre encore plus facile. Car il faut bien le dire, les gens ont toujours l'air plus accessible quand ils sont seuls à lire un livre plutôt qu'à un groupe de 6 où les gens éclatent de rire entre eux à leur blague, ou encore que les couples dont on a toujours peur de déranger l'intimité.

Durant mon voyage de 3 mois en Amérique du Sud,  les seuls moments où j'ai pu être vraiment seule, était le résultat de ma propre initiative, quand j'étais en effet fatiguée de ces rencontres superficielles et éphémères d'un jour, et où je devais recommencer ce "cheap talk" tous les jours.

2. Il FAUT apprendre l'ANGLAIS dans la vie

Un des arguments qui m'a souvent poussée à voyager seule est la barrière de la langue.
J'ai eu la chance et l'initiative d'apprendre l'anglais par moi même quand j'étais jeune adolescente, à force de regarder des films et des séries en VOSTFR, ce qui a habitué mon oreille à la langue de Shakespear et a rendu mon apprentissage de cette belle langue bien plus facile.

"Life is too short to learn German"
J'adore parler anglais, je pense parfois en anglais, et mon sens de l'humour est différent dans cette langue ci, j'ai même appris au détour d'un voyage en Bolivie avec mes compagnons Canadiens de Vancouver, que j'avais un humour canadien. Qu'est ce que cela signifie? Pas la moindre idée, mais apparemment mes réponses collaient bien à leur blagues.

J'adore parler anglais, mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Et malheureusement, trop de fois je me suis retrouvée tiraillée entre une amie avec laquelle je voyageais qui ne parlait pas un mot d'anglais, et des Américains, Anglais, Australiens, Irlandais, ou même Allemands, Hollandais etc. qui me proposaient de venir boire des verres ou diner avec eux.
  
Gênée de laissée mon amie seule car elle se sentait vite à l'écart des conversations et s'ennuyait ferme, mais aussi déçue de ne pas pouvoir connaitre plus ces gens qui avaient sûrement beaucoup à m'apprendre, je finissais souvent par maudire le mauvais système français d'apprentissage des langues.

J'ai souvent décidé de partir seule à cause de ça, à cause de cette limite linguistique que peuvent avoir mes compagnons de route qui m'empêche de vivre mon voyage comme bon me semble ( argument très egoïste je vous l'accorde, mais ma passion des voyages me poussent à n'agir que dans mon propre intérêt dans ce genre de situation ) que j'ai moi même expérimentée de l'autre côté, quand j'étais en Amérique du sud, et je me rendais compte que mon espagnol était trop limité pour avoir une réelle conversation.

Ne pas cultiver cette curiosité de la langue étrangère est pour moi une énorme erreur, car il suffit de la dépasser et d'essayer, d'y consacrer du temps et de se lancer, et là on ouvre des portes d'un autre monde, d'une autre culture, d'un autre univers en osant parler à quelqu'un qui vient d'ailleurs et qui a sûrement plein de choses à nous apprendre, et à qui on a sûrement aussi des choses à apprendre. Cette porte qui est si proche, reste malheureusement fermée si la barrière de la langue n'est pas soulevée. 

Canadian, French and Dutch meet on the top of Samaïpata mountains


3. Parfois j'ai juste envie de dormir ou boire des coups et je n'aime pas les musées

Une autre raison qui me fait souvent prendre la route en solitaire c'est tout simplement : la différence d'envie.

Alors, oui j'aime les randonnées et la nature, non je n'aime pas les musées, oui j'adore boire des bières entre voyageurs, non je n'aime pas les boîtes de nuit, oui j'aime explorer les lieux, non je n'ai pas besoin de faire ça toute la journée, oui parfois je me réveille tard, non je n'ai pas besoin de tout voir dans chaque ville.

Une mauvaise expérience de voyage avec un bon copain du quotidien qui s'est révélé être un terrible compagnon de route pour moi, m'a fait décider de ne plus me plier aux envies des autres lors de mes voyages. Je suis totalement ouverte aux propositions, mais je préfère ne pas me forcer à divertir l'autre en le ou la suivant dans des choses qui ne m'intéresse absolument pas alors que je n'ai qu'une envie c'est de dormir toute la journée. Et il faut l'avouer, on le fait toujours un peu quand on voyage à plusieurs, on se sent obligé d'être actif pour ne pas que l'autre s'ennuie.

C'est cette possibilité a pouvoir voyager comme je l'entends qui fait que je suis souvent seule sur la route, comme cette fois à Salta en Argentine ( cf : le post sur l'Argentine ) où je ne souhaitais pas visiter la ville ni faire du cheval comme tous les touristes le font, j'ai préféré boire du vin, manger des empanadas et rester à discuter avec des Suisses allemands. Faire à mon rythme, voir les choses que je veux sans faire me sentir obligée de faire tout ce qui se trouve sur le guide, et profiter.

Après comme je l'ai dit plus haut, 98% du temps je n'étais pas seule lors de mes voyages, mais je rencontrais des gens sur le chemin, avec qui je n'avais pas d'engagement, pas de besoin ou de nécessité d'être tout le temps avec eux, on pouvait être ensemble une journée et se laisser le jour d'après, reprendre chacun sa route en ayant profité du temps passé ensemble.

Profiter. Profiter d'être moi, avec moi.
Car il n'y a qu'en voyageant que je me sens vraiment moi.


4. Voyager seule, ça apprend carrément la vie

Alors oui, ça impressionne parfois les gens quand je dis que je voyage seule et la réaction que j'ai souvent c'est "oooooh mais je sais pas comment tu fais moi je pourrais pas !!!!".
Oui c'est sûr qu'il faut être capable de se supporter soi même et de se divertir soi même, donc quand on est incapable de faire ni l'un ni l'autre, ce type de voyage ne correspond pas.

Mais être seule, oblige aussi à une certaine ligne de conduite, particulièrement quand on est une femme seule. On me demande souvent si je n'ai pas peur quand je voyage ainsi. Eh bien non je n'ai pas peur, et je crois bien que je suis même un peu inconsciente parfois, et même si une fois ou deux j'ai sûrement dû frôler le drame, je n'ai jamais rien eu en terme d'agression. Mais bien sûr il ne faut pas jouer à l'imbécile.

Je ne suis pas partisante du "oui mais moi je suis pas une touriste, je veux voyager à la roots et vivre un truc authentique, avec des gens hors des grandes villes"

Premièrement, je vais vous dire une chose, nous sommes tous des touristes. Pas de la même manière bien sûr, je ne me considère pas comme les touristes chinois qui se déplacent en bloc et mitraille toutes les rues ou se font des films selfie tous le long du voyage et voyagent dans l'Europe en 7 jours.
Mais peut importe à quel point on ne veut pas être un touriste quand on voyage dans un pays étranger en sac à dos pour une courte période, on est vu et considéré comme un touriste.

Deuxièmement, je vous dis ça parce qu'en tant que fille seule, j'ai une ligne de conduite à tenir pour éviter que le voyage ne tourne au drame, et qui ne peut être compatible avec le discours de ne pas être une touriste et de vouloir sortir des sentiers battus.

Par exemple : je ne me permet pas de sortir le soir seule, ni de sortir des lieux touristiques ou des villes plus ou moins grandes et connues, je prends les transports officiels, j'évite les excursions sauvages sans un minimum de marquages et si quelqu'un me dit de ne pas aller par là, alors je n'y vais pas. Ainsi j'évite de me retrouver dans des situations à risque, et si malgré tout cela m'arrive, je n'aurai simplement  pas eu de chance, mais j'aurai tout fait pour ne pas le provoquer.

Les histoires d'agressions arrivent souvent et n'importe où dans le monde, pas forcément en Amérique du Sud qui semblent toujours être la jungle pour les Européens ni dans les pays arabes qui semblent tous être dangereux et sous le contrôle du Daesh pour les Nord Américains ( notez que cette tendance est très intéressante, plus c'est loin de chez nous et plus les opinions sont méconnues et extrêmes dans le négatif ). 

Toute cette psychoses vient surtout de fait que les gens entendent dire des choses, se réfèrent parfois au site du gouvernement qui nous déconseille de visiter les 3/4 de la Terre, mais les gens ne savent pas vraiment. Aussi il est souvent drôle d'entendre les gens dire avoir peur de lieu où vous avez vécu ou alors où vous êtes déjà passé.

Comme parfois on me dit "Paris c'est tellement dangereux, j'ose pas y aller, parce que je serai obligée de prendre le métro ça fait trop peur, il y a tellement d'agression!"
Ca me fait toujours doucement rire....

Je sors un peu du sujet là, mais je pense qu'on se méprend beaucoup sur certains pays ( d'autres sont réellement dangereux et je ne le contredit pas ), la Colombie n'est pas qu'un cartel de prostitution, de drogue et de pauvreté, l'Amérique du Sud est aussi avancée que l'Europe, l'Inde n'est pas un lieu où on se fait violer dès qu'on est une femme, les pays arabes ne sont pas tous à risque encore moins les pays comme la Turquie.

Se renseigner auprès de personnes qui sont passés récemment dans les pays convoités est la meilleure solution, et non pas se crée un fantasme, une psychose véhiculée par les médias ou par des rumeurs dépourvues de fond.

Donc psychose non, prudence oui.


Salar de Uyuni, Bolivie

Voyager seule, c'est aussi tout simplement apprendre à se débrouiller, à poser des questions, à aller vers les gens, a apprendre à parler des langues, à réfléchir de façon logique à des choses qui nous semblent simples dans la vie quotidienne, à dépasser ses limites et faire des choses qu'on aurait pas pensé être capable de faire un jour.

Voyager seule amène aussi à être plus humble, on sort de ses habitudes, de son monde, et sa fameuse zone de confort, on est seul et vulnérable, et on se surpasse, on va vers l'autre, on s'ouvre à l'autre et on laisse de côté toutes les habitudes, les choses qu'on connaissait de notre vie du quotidien, de la confiance qu'on avait acquis dans un cercle social parfois un peu fermé, on s'ouvre, on se montre tel qu'on est sans l'influence sociale derrière.Et on accepte de suivre les autres là où on aurait pas pensé à aller de soi même.

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